La lutte contre la discrimination à l'embauche entre dans le cadre de la lutte contre la discrimination au travail. L'article L. 1132-1 du Code du travail (modifié par la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016 et par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016) affirme qu'« aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement (…) ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte » en raison de ses caractéristiques physiques, comportementales, idéologiques ou religieuses. Dans le cas contraire, on parle de discrimination à l'embauche.
Voici les mesures à mettre en place au sein de votre entreprise et tout au long du processus de recrutement pour lutter contre la discrimination à l'embauche.
1. Construisez une procédure de recrutement pour lutter contre la discrimination
Soyez vigilant, votre procédure de recrutement dans sa globalité, qu’elle soit ou non dématérialisée, doit être objective, transparente et traçable. À l'inverse, en cas de litige, vous devrez prouver que votre système n'est pas discriminatoire. Construisez une procédure de recrutement non discriminatoire :
- Développez une approche de l'embauche sur les compétences :
- Soyez objectif, tout poste ne demande pas un diplôme. Avec une approche par compétences, vous ouvrez le recrutement à un plus grand nombre.
- Bannissez les caractéristiques personnelles, le plus souvent discriminatoires.
- Pour tout nouveau recrutement, réalisez une analyse du poste : quels sont les savoirs et savoir-faire nécessaires, quels aménagements de poste sont envisageables.
- Construisez-vous un outil de contrôle qui vous permettra de passer au crible toutes les étapes de votre procédure de recrutement et d'intégration au regard des critères discriminatoires de la loi.
- Sensibilisez l'ensemble de votre personnel (personnes chargées des embauches, de l'intégration, de l'encadrement) à ces thèmes : les principes de la non-discrimination, les faits et actes discriminatoires, la loi, les stéréotypes, l'égalité des chances…
- Construisez une procédure d'accueil des nouveaux embauchés axée sur un traitement équitable.
À noter : chaque étape de recrutement comporte des risques de discrimination, soyez vigilant.
Bon à savoir : dans toute entreprise employant au moins 300 salariés et dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les recruteurs reçoivent une formation à la non-discrimination à l'embauche au moins une fois tous les cinq ans (article L. 1131-2 du Code du travail).
2. Diffusez des offres d'emploi non discriminatoires
La différence de traitement peut être ressentie dès la phase de recherche de candidats. Rédigez des annonces d'emploi non discriminatoires, que ce soit par voie de presse ou par le net.
Évitez toute condition d'accès discriminatoire dans votre offre d'emploi
Chassez toute condition d'accès à l'emploi relative :
- à l'un des critères de discrimination ;
- à la situation de famille (célibataire, sans enfant, libéré de toute obligation familiale…) de la personne recherchée ;
Bon à savoir : le fait de réserver des emplois saisonniers aux enfants du personnel est une discrimination fondée sur la situation de famille.
- au sexe de la personne recherchée : rédigez l'offre en faisant apparaître clairement qu'elle s'adresse indifféremment aux hommes et aux femmes, en utilisant « cadre H/F » ou« employé-e ou infirmier-e » ;
Exception : quand l’appartenance à l’un ou l’autre sexe répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, l'interdiction de mentionner le sexe est levée. La loi fixe la liste des emplois et des activités professionnelles concernés : comédiens, mannequins, modèles...
- à l'âge, à l'exception de certains emplois aux conditions particulières : contrats aidés, limite d'âge légale, travaux pénibles (dans ce dernier cas, vous pouvez mentionner « magasinier-e, port de charges manuelles entre 20 et 40 kg ») ;
- à un état de grossesse.
Important : le Code pénal prohibe toute décision fondée sur l'état de grossesse pour refuser d'embaucher.
Faites attention à certaines formules
Certaines formules peuvent être discriminatoires à votre insu :
- Rédigez en français. N'utilisez pas de langue étrangère. Tout terme incontournable en langue étrangère doit être explicité en français.
- Abandonnez la formule « langue maternelle ». Préférez « débutant », « perfectionné », « bilingue »…
Soyez vigilant sur les offres numériques
Les progiciels sont perçus comme un cadre protecteur, garant d'objectivité. Or, le risque est grand ; une date de naissance est discriminatoire, par exemple. Souvent, les concepteurs n'en ont pas conscience.
- Dès la conception du progiciel, rédigez un cahier des charges déclinant les obligations de la loi informatique et de la non-discrimination.
- Actualisez les filtres à chaque nouveau recrutement. Conservez uniquement les informations réellement nécessaires au poste (exemple : la rubrique « diplôme ») .
Bon à savoir : même si vos outils numériques sont conçus par un prestataire extérieur, vous êtes responsable juridiquement de l'usage que vous en faites.
3. Posez des questions non discriminatoires pendant les entretiens
Listez les informations que vous pouvez demander aux candidats (par questionnaire écrit, dossier de candidature ou en entretien) :
- Posez des questions dont le seul but est de pouvoir apprécier la capacité de la personne à occuper l'emploi : ses compétences, son expérience, ses aptitudes professionnelles en lien direct et uniquement avec l'emploi concerné.
Par exemple : renseignez-vous sur la possession du permis de conduire uniquement s'il est réellement nécessaire.
- Bannissez toute question sur la vie privée ou sur l’appartenance syndicale du candidat.
Par exemple : ne demandez pas la date de naissance, le lieu de naissance ou le lieu de résidence.
- Demandez toutes les informations nécessaires pour la constitution du contrat et de la paie une fois la décision de recrutement de la personne prise.
- Procédez à la vérification préalable de l’identité (autorisation de séjour et de travail) nécessaire pour éviter le travail illicite à la fin du processus de recrutement.
Bon à savoir : si l’information sollicitée est sans lien avec l’emploi, le candidat peut refuser de la fournir, voire saisir le tribunal, civil ou pénal, selon la nature de l’atteinte qu’il a subie. À l'inverse, si elle est pertinente au regard des caractéristiques de l’emploi proposé, le candidat doit y répondre de bonne foi. Une fausse déclaration peut justifier la rupture ultérieure du contrat de travail.
4. Luttez contre la discrimination après l'embauche
Les actes de discrimination apparaissent dans le quotidien de l'entreprise à tous les niveaux, par malveillance ou par ignorance :
- affiche raciste ou sexiste dans le vestiaire ;
- propos homophobes ;
- sanctions et reproches à répétition, dès les premiers jours d'embauche, à un salarié d'origine maghrébine et aucune sanction pour les autres membres de l'équipe ;
- licenciement d'une femme suite à l'annonce de sa grossesse à la femme du patron ;
- isolement d'une personne souffrant d'obésité ;
- non-adaptation d'un poste de travail au handicap de la personne embauchée ;
- refus de recevoir en entretien une femme enceinte ;
- écart de rémunération entre homme et femme au même poste avec les mêmes compétences ;
- changement de poste à un retour de congé maladie, sans en informer la personne ;
- taches de son poste non confiées à une femme, un handicapé, une personne d'origine maghrébine…
Tous ces exemples sont des cas ayant été reconnus comme actes discriminatoires par le tribunal.
Bon à savoir : la discrimination au quotidien peut évoluer en harcèlement. Mais à l'inverse du harcèlement moral qui n'est avéré que s'il y a répétition d'un agissement, le harcèlement moral lié à un critère de discrimination, même manifesté par un acte unique, peut constituer un harcèlement moral à caractère discriminatoire.
À noter : la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 a élargi les faits constituant un harcèlement moral. Désormais, on considère qu'il y a harcèlement moral lorsque les « propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée » ou lorsque les « propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ». Par ailleurs, le fait de commettre des faits de harcèlement via un support numérique ou électronique devient une circonstance aggravante.
5. Informez-vous des conséquences encourues en cas de discrimination à l'embauche
Qui peut intervenir en cas de discrimination à l'embauche ?
- l'inspection du travail ;
- les organisations syndicales ;
- les associations de lutte contre les discriminations ;
- les délégués du personnel ;
- le Défenseur des droits.
Bon à savoir : toute personne victime ou témoin d’une discrimination, quels qu’en soient le motif et le domaine (emploi, logement, accès à la santé, éducation, etc.) peut aujourd'hui contacter directement et en toute confidentialité les équipes juridiques du Défenseur des droits grâce à la plateforme de signalement des discriminations Antidiscriminations.fr ou par téléphone au 3928.
Les recours possibles pour les victimes et témoins de discrimination
- Recours pénal : une plainte peut être déposée auprès du procureur de la République, du commissariat de police, de la gendarmerie ou du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance afin que les agissements soient pénalement sanctionnés (par le tribunal correctionnel).
- Recours civil : un recours peut être déposé devant le conseil des prud'hommes suite à des faits de discrimination au travail pour demander réparation du préjudice subi. Ce dernier prendra des mesures immédiatement exécutoires afin de faire cesser la situation de discrimination.
Bon à savoir : la victime de la discrimination dans votre entreprise devra, avant de saisir la justice, réunir les preuves nécessaires. La discrimination est un fait juridique qui se prouve par tout moyen (témoignage d'autres salariés, email...).
Les sanctions encourues par votre entreprise et par l'auteur de la discrimination
- Civile : si la discrimination est reconnue, les dommages et intérêts répareront l’entier préjudice résultant de cette discrimination.
- Disciplinaire : si le fait discriminant est le fait d'un salarié en entreprise, ce dernier peut également faire l'objet à titre personnel d'une sanction disciplinaire interne, pouvant aller jusqu'à son licenciement.
- Pénale : 3 ans d’emprisonnement et/ou 45 000 euros d’amende.
Bon à savoir : la victime pourra réintégrer son poste. Si elle ne le souhaite pas ou que c'est impossible, l'indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois, quelle que soit l'ancienneté du salarié.