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Comment réagir face au harcèlement moral

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Le monde de l'entreprise peut engendrer de la souffrance et, en cas de harcèlement moral, devenir un véritable enfer ! Dès les premiers signes, il est important de réagir et de se protéger, car les risques sont très importants en termes de santé psychique et physique (stress, troubles du sommeil, irritation, ulcère, maux de dos, etc.). Cette fiche pratique vous explique comment réagir face au harcèlement moral.

Zoom sur la loi en matière de harcèlement moral

Le harcèlement moral au travail est reconnu par la loi n° 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002, qui le définit comme « [des] agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le harcèlement moral est un délit pénal

En tant que délit pénal, le harcèlement moral est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (article 222-33-2 du Code pénal).

L'employeur doit protéger ses salariés

L’employeur est tenu envers ses salariés à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral. Il doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Bon à savoir : le texte de l’article 222-33-2 du Code pénal (définition et sanctions du harcèlement moral) doit être affiché dans tous les lieux de travail.

À noter : suite à une dénonciation de harcèlement, l’employeur est tenu de déclencher une enquête interne et contradictoire. Il doit entendre les arguments du salarié prétendu victime de harcèlement et de celui qui en est accusé. À défaut, l’employeur court le risque de se voir reprocher un manquement à son obligation de sécurité même si le salarié prétendu victime n’a pas réussi à démontrer qu’il avait été victime de harcèlement (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-10.551).

Une victime ne peut être licenciée

Le principe est posé par l’article L. 1152-2 du Code du travail : « Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. »

Attention toutefois, cette protection contre le licenciement ne joue pas lorsque la personne qui a témoigné ou relaté de tels agissements n’a pas employé formellement, lors de sa dénonciation, les termes de « harcèlement moral » (Cass. soc., 13 septembre 2017, n° 15-23.045).

Bon à savoir : le salarié peut également être poursuivi pour diffamation s’il a dénoncé les faits de harcèlement à des personnes autres que l’employeur ou les organes de contrôle du Code du travail (Cass. crim., 26 novembre 2019, n° 19-80.360). De même, dès lors qu'un salarié dénonce des faits de harcèlement moral ou sexuel en ayant connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la qualification de dénonciation calomnieuse peut être retenue en raison de la mauvaise foi du salarié.

À noter : si le salarié se trouve dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral qu'il subit au moment de la rupture du contrat de travail, la rupture conventionnelle signée par lui et par l'employeur est considérée comme nulle au motif que le consentement du salarié était vicié (Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-24.296).

1. Repérez les agissements de harcèlement moral

Tout commence de façon insidieuse. Vous ne vous rendez compte de rien mais, petit à petit, un malaise s'insinue en vous. Vous ne comprenez pas le changement d'attitude de votre collègue ou de votre supérieur, qui se met à vous faire des reproches, à vous isoler et même à vous ignorer.

Faites le questionnaire de Leymann

Heinz Leymann, psychologue suédois pionnier dans la recherche sur le harcèlement moral, a publié en 1993 une liste de 45 agissements qui correspondent à des situations de violence. Ces situations sont classées en 5 rubriques :

  • empêcher la victime de s’exprimer ;
  • l'isoler ;
  • la déconsidérer ;
  • discréditer son travail ;
  • compromettre sa santé physique.

Consultez cette liste et cochez tout ce qui vous concerne.

Bon à savoir : les faits présentés par un salarié pour démontrer un harcèlement moral doivent être examinés dans leur ensemble. Ainsi, il est possible que les « agissements répétés » requis pour qualifier le harcèlement moral se caractérisent par plusieurs faits isolés, de nature différente et qu’il convient d’examiner dans leur ensemble (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-20.723).

À noter : pour un salarié, le bore-out consiste à souffrir d'épuisement professionnel par l'ennui (c'est l'inverse du burn-out). Dans le cadre d'un licenciement individuel, l'employeur doit démontrer que le bore-out n'est pas lié à des agissements constitutifs d'un harcèlement moral et que la décision de licencier le salarié est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. À défaut, les juges considèrent que le bore-out peut être constitutif de harcèlement moral (CA Paris, 2 juin 2020, n° 18/05421).

Tenez un journal de bord

Notez par écrit tout ce qui vous trouble : les brimades, l'isolement, les refus de vous parler, les tâches en moins, etc.

Conservez les preuves : e-mails, non-convocations aux réunions, etc.

Le journal de bord a plusieurs avantages :

  • il vous servira à vous défendre si le harcèlement persiste ;
  • il vous aide à prendre du recul, à ne pas perdre la tête et à vous rappeler que vous êtes dans votre bon droit, le grand danger étant la culpabilité.

2. Protégez-vous du harcèlement moral au quotidien

Vous pensez être victime d'un harceleur, agissez vite avant que cela n'empire.

Restez professionnel

Veillez avant tout à garder une attitude neutre, la plus professionnelle possible.

  • Ne provoquez pas votre harceleur, ne réagissez pas tout de suite : feignez l'indifférence à ses attaques en conservant la même attitude – sourire (sans provocation), politesse.
  • Restez irréprochable professionnellement : respect des délais, des consignes, des tâches à effectuer.
  • Faites-lui préciser, si possible en public, tout ce qui est flou. Insistez pour avoir les indications et informations nécessaires à votre travail.

Demandez un entretien

N'hésitez pas à demander des explications à votre harceleur.

  • Ne l'attaquez pas mais basez votre argumentation sur des faits et non des opinions.

Bon à savoir : un fait est objectif, il est concret et ne peut être remis en question ; une opinion est un avis qui appartient à celui qui l'exprime, elle est discutable.

Exemple : « Je suis exclu des réunions, tu m'en veux » est une opinion. « Je n'ai pas été convié aux dernières réunions d'avancement du projet x sur lequel j'interviens, pourquoi ? » est un fait.

  • Munissez-vous des convocations ou des comptes rendus de réunion où sont inscrits les absents, les excusés et les présents.
  • Face à votre conviction et à des faits non discutables, votre harceleur peut cesser ses agissements : il a besoin d'avoir devant lui une personne affaiblie, or vous lui prouvez le contraire.

Évitez l'isolement

Trouvez des alliés parmi vos collègues, ils vous soutiendront même s'ils n'iront pas jusqu'au témoignage (un bon harceleur sait terroriser les témoins potentiels).

Détendez-vous

Accordez-vous des moments de plaisir hors du travail. Sport, musique, etc. : choisissez une activité qui vous détend.

3. Alertez les services compétents pour stopper le harcèlement

Les agissements persistent, voire augmentent alors que vous avez appliqué tous les conseils des étapes 1 et 2. N'hésitez pas : protégez votre santé en vous éloignant de cette situation délétère et alertez les services compétents.

À noter : le fait de ne pas être physiquement présent dans l’entreprise n’empêche pas un salarié de se déclarer victime de harcèlement moral de la part de son employeur. En effet, le contrat de travail n’étant pas rompu, le salarié qui est dispensé d’activité peut faire l’objet de harcèlement moral (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-28.328).

Consultez votre médecin généraliste

Demandez à votre médecin généraliste un arrêt de travail. Il pourra également vous envoyer vers un autre professionnel pour un soutien psychologique.

Recherchez de l'aide dans votre entreprise

Adressez-vous à des personnes compétentes dans la prévention du harcèlement moral au travail au sein de l'entreprise :

  • Consultez rapidement la médecine du travail ; elle est soumise au secret professionnel et est en mesure de mener une enquête.
  • Rencontrez le service d'assistance sociale de votre entreprise ou, à défaut, un service inter-entreprise, il en existe dans chaque région.
  • Alertez la direction des ressources humaines et votre supérieur hiérarchique et/ou la direction si nécessaire (si les interlocuteurs précédents ne l'ont pas fait ou n'existent pas dans votre entreprise) :
    • soignez votre argumentation en la basant sur des faits étayés par des preuves – c'est là que votre journal de bord va également vous servir : montez un dossier avec les éléments recueillis dès l'étape 1, la situation risquant sans une argumentation objective d'être interprétée comme un simple problème relationnel entre vous et votre supérieur ou collègue ;
    • des solutions peuvent être trouvées à cette étape (médiation, mutation du harceleur ou changement de poste pour vous si vous le souhaitez, par exemple).
  • Alertez le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les délégués du personnel.

Bon à savoir : le 1er avril 2022, la prévention au travail a été renforcée. Les « services de santé au travail (SST) » sont devenus les « services de prévention et de santé au travail (SPST) ». Les SPST ont de nouvelles missions telles que l'évaluation et la prévention des risques professionnels, la mise en place d’actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, de campagnes de vaccination et de dépistage, de conseils sur les conditions de télétravail.

Recherchez de l'aide en dehors de votre entreprise

Si vous n'avez pas confiance dans votre entourage au travail, vous pouvez faire appel à des appuis extérieurs :

  • l’inspection du travail ;
  • les structures d’aide aux victimes de harcèlement et d’agression : elles vous aideront dans vos démarches, vous conseilleront dans les attitudes à adopter et vous soutiendront ;
  • les psychiatres et psychothérapeutes ;
  • les avocats.

Si aucune solution n'est trouvée, portez plainte

En tant que salarié, vous pouvez :

  • Intenter une action auprès du conseil de prud’hommes (ou du tribunal administratif pour le secteur public). Vous avez 5 ans, par lettre recommandée avec accusé de réception.
  • Engager un procès pénal : déposez au tribunal judiciaire (le plus rapidement possible, et dans les 6 ans qui suivent les actes de harcèlement afin d'avoir des faits et justificatifs solides et crédibles) une plainte adressée au procureur de la République, sur papier libre, en mentionnant :
    • votre état civil complet ;
    • le récit détaillé des faits, les lieux et dates du harcèlement ;
    • le nom de l'auteur du harcèlement si vous le connaissez (sinon la plainte sera déposée « contre X ») ;
    • les noms et adresses de témoins éventuels du harcèlement ;
    • la description et l'estimation provisoire ou définitive du préjudice, tant physique que moral, résultant du harcèlement.

À noter : l’infraction de harcèlement moral se caractérise par des propos ou des comportements « répétés ». Ainsi, pour définir le délai de prescription, il convient de se placer à la date du dernier acte reproché (Cass. crim., 19 juin 2019, n° 18-85.725).

Important : appuyez votre plainte avec des éléments de preuve comme ceux donnés à l'étape 1.

Vous pouvez également vous rendre directement dans une gendarmerie ou un commissariat de police.

Bon à savoir : cette démarche est cependant moins adaptée pour une plainte pour harcèlement, car l'infraction constitue rarement un danger imminent susceptible de mobiliser les forces de l'ordre.

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