De plus en plus d'employeurs annoncent jouer la carte de l'égalité. Âge, sexe, handicap, entre autres, ne seraient plus des facteurs discriminants à l'embauche. Pourtant, la perception des discriminations demeure au sein de l'entreprise. Les décisions en gestion des ressources humaines, en management d'équipe, en organisation du travail doivent se prendre uniquement sur des critères professionnels objectifs et non sur des considérations personnelles d'un autre ordre. Quelle que soit la taille de votre entreprise, vous pouvez agir. Voici quelques outils pour lutter contre la discrimination au travail.
Zoom sur la notion de discrimination
La définition de la discrimination
La discrimination est définie par une Recommandation du Défenseur des droits comme : « le fait de traiter différemment des personnes placées dans une situation comparable, en se fondant sur un critère prohibé par la loi ; elle peut recouvrir de nombreuses formes :
- directe lorsque, volontairement ou non, la différence de traitement est fondée sur un critère prohibé ;
- indirecte lorsque la différence de traitement est fondée sur un critère apparemment neutre (diplôme, expérience, temps de travail...) mais produit des effets discriminatoires (à l’égard des femmes, des personnes handicapées...) ;
- intentionnelle ou non ;
- multiple lorsque sont visés plusieurs critères (apparence physique et genre, origine et orientation sexuelle...) ;
- par association lorsqu'une personne est traitée différemment pour les liens qu’elle entretient avec une autre identifiée par un critère de discrimination (enfant handicapé, conjoint représentant du personnel...).
L'égalité suppose que soient traitées de manière identique des personnes placées dans des situations similaires ».
Les critères de discrimination définis par le Code du travail
L'article 1132-1 du Code du travail énumère 20 critères de discrimination :
- le sexe ;
- un handicap ;
- l'âge ;
- la grossesse ;
- la situation de famille ;
- l'état de santé ;
- les activités syndicales ou mutualistes ;
- l'orientation sexuelle ;
- l'origine ;
- les convictions religieuses ;
- l'appartenance ou non à une ethnie ou à une « race » ;
- l'identité de genre/sexuelle ;
- l'appartenance ou non à une nation ;
- le patronyme ;
- les mœurs ;
- l'apparence physique ;
- l'opinion politique ;
- les caractéristiques génétiques ;
- la situation économique ;
- le lieu de résidence.
À noter : les juges admettent le caractère injustifié d’un licenciement pour insuffisance professionnelle lorsqu'un salarié est licencié très peu de temps après avoir informé son employeur de difficultés de santé liées à ses conditions de travail (burn-out). En effet, le salarié est présumé être victime de discrimination en raison de ce licenciement, sauf si l’employeur peut prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (Cass. soc., 5 février 2020, n° 18-22.399).
1. Instaurez une veille pour lutter contre la discrimination au travail
Une enquête nationale du Défenseur des droits, en 2013, met en avant que, majoritairement, les actions pour l'égalité des chances des grandes entreprises portent essentiellement sur 3 critères : l'âge, le sexe et le handicap. Or, dans le « 7e baromètre sur la perception des discriminations au travail », il ressort, chez les salariés interrogés, que l'origine est le 2e facteur de discriminations ressenties (27 %) et le 1er quant aux discriminations observées (42 %). Pour mieux cibler les actions de lutte contre la discrimination à mettre en place dans votre entreprise, repérez les risques de discrimination à l'aide d'un baromètre interne.
Créez un baromètre interne (Préconisation du Défenseur des droits)
À l'aide d'un baromètre interne, suivez le niveau d'égalité de traitement des salariés, critère par critère, dans chaque processus de ressources humaines (recrutement, promotion, rémunération, avantages, formation, communication, licenciement, information, convocations aux réunions, organisation de travail, situations conflictuelles, plaintes… ), à tous les niveaux de l'entreprise, dans le respect de la protection des données personnelles (recueil et traitement anonymes de données).- Mesurez la diversité des effectifs.
- Mettez en place un outil de mesure du ressenti de la discrimination (enquête salariés anonyme).
Bon à savoir : la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 a créé de nouvelles mesures afin de lutter contre l'inégalité de rémunération entre les hommes et les femmes (articles L. 1142-7 et suivants du Code du travail, applicables depuis le 1er janvier 2019 pour les entreprises de plus de 250 salariés, et au plus tard le 1er janvier 2020 pour les entreprises de 50 à 250 salariés). Désormais, la loi impose à l'employeur un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, l'employeur doit publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération et aux actions mises en œuvre pour les supprimer. Des résultats non satisfaisants entraînent une négociation obligatoire, le départ d'un délai de mise en conformité, et éventuellement une pénalité financière.
Évaluez régulièrement la situation
Utilisez ces données pour enrichir votre bilan social (âge, sexe, nationalité, handicap), votre rapport de situation comparée F/H, votre déclaration d’emploi des travailleurs handicapés, la pyramide des âges. Ajoutez la mesure de la diversité des origines.
Si nécessaire, mettez en place des mesures correctives garantes du respect de l'égalité des chances.
Remarque : en cas de litige, ce baromètre interne vous permettra d'apporter des preuves.
2. Développez une culture d'entreprise pour l'égalité des chances et la non-discrimination
Il est important de communiquer sur l'engagement de l'entreprise par rapport à l'égalité des chances et la non-discrimination.
Sensibilisez les salariés
Sensibilisez le personnel : cassez les stéréotypes, informez les salariés de ce que dit la loi à ce sujet.
Formez les différents représentants du personnel
Mobilisez et formez les représentants du personnel, du comité d'entreprise (CE), les délégués, les représentants d'organisations syndicales, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) :
- Mobilisez les salariés, à tous les niveaux hiérarchiques, pour instaurer une politique d'égalité des chances et de non-discrimination :
- Formez un groupe de pilotage (représentants des métiers, niveaux hiérarchiques représentants du personnel, CHSCT, etc.), qui sera chargé du suivi de l'élaboration et de la mise en place de cette politique.
- Montez des groupes de réflexion qui vont travailler sur :
- le sens des concepts de la loi ;
- les stéréotypes et les préjugés ;
- la déclinaison des critères à tous les niveaux de l'entreprise (Qu'est-ce qu'un acte discriminant ? Comment se traduit une inégalité au sein d'une équipe ? Quels sont les signaux d'alerte ?) ;
- le repérage de situations discriminantes existantes ;
- la construction de signaux d'alerte ;
- la recherche de solutions, adaptées à votre entreprise, pour lutter contre les discriminations.
- Édifiez une politique et rédigez une Charte des bonnes pratiques de l'égalité des chances et de non-discrimination, à partir du travail des groupes.
3. Communiquez pour lutter contre la discrimination au travail
Respectez les obligations d'affichage
- Respectez l'obligation légale d'affichage imposée par l'article L. 1142-6 du Code du travail du texte des articles 225-1 à 225-4 du Code pénal.
- Multipliez les supports de communication : affiches, vidéos, etc.
Bon à savoir : l'employeur doit porter par tout moyen à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail et aux candidats à l’embauche les textes relatifs à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes (article 3221-1 et suivant du Code du travail).
Faites remonter l'information
Organisez la remontée des informations : les salariés doivent pouvoir faire remonter des actes de discrimination en toute liberté, sans se sentir en danger.
Choisissez le mode le plus approprié à votre entreprise (e-mail, rendez-vous, boîte à remontées, etc.).
Bon à savoir : les juges considèrent qu’un employeur peut licencier un salarié qui dénonce de mauvaise foi des faits inexistants de discrimination. Cette solution avait déjà été retenue pour des dénonciations de faits de harcèlement. La mauvaise foi est caractérisée lorsque le salarié a connaissance de la fausseté des faits de discrimination qu’il dénonce (Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-21.138).
Organisez des formations
Formez les personnes chargées de la gestion des ressources humaines et de l'encadrement. Formez-vous également. La formation doit concerner tout le monde, sinon seules les personnes concernées viendront. Proposez des formations sur les thèmes suivants :
- Identifier les stéréotypes.
- Chasser les actes discriminants au quotidien.
- Manager : responsabiliser l'encadrement, former ses membres. Apportez-leur les outils adaptés à leur métier qui leur permettent de travailler dans la non-discrimination au niveau de la procédure de recrutement, du guide d'évaluation, de l'animation d'équipe, de la gestion de planning.
- Prendre des mesures de sanction, si nécessaire.
4. Encouragez la promotion de l'égalité des chances et la non-discrimination par des actions concrètes
Revisitez les actions de gestion des ressources humaines afin de garantir l'égalité et la non-discrimination
- procédure de recrutement non discriminante ;
- fiches de postes recentrant sur les compétences ;
- plan de formation accessible à tous les salariés.
Aménagez le travail pour promouvoir l'égalité des chances
- aménagement de poste pour les travailleurs handicapés ;
- arrêt des réunions le soir (non-discrimination des parents et des aidants familiaux) ;
- mixité des équipes :
- ouvrez des métiers dits « masculins » aux femmes (ou l'inverse) ;
- devenez entreprise d'accueil de stagiaires en formation, puis recrutez des femmes, progressivement, habituez les hommes à travailler avec des femmes (et vice versa).
Et maintenant, vous sentez-vous prêt pour le « label Égalité » ?
Bon à savoir : le label Égalité professionnelle témoigne de l’engagement des organismes et de la mise en place d’actions concrètes en matière d’égalité liée au genre dans le domaine professionnel.