
Tenu de déclarer tout accident du travail dont il a eu connaissance et/ou dont il a été informé, l’employeur a aussi la possibilité d’en contester l’existence. Cette contestation revient, pour l’employeur, à tenter de démontrer que l’événement accidentel n’appartient pas à la catégorie des accidents du travail. Elle a pour objet d’épargner à l’employeur des suites et conséquences souvent très coûteuses et contraignantes pour lui et/ou son entreprise, voire son patrimoine personnel.
Pour pouvoir aboutir, la contestation d'un accident du travail doit être opérée avec méthode (respect de certaines formalités, étapes et délais).
Bon à savoir : depuis le 1er janvier 2022, toutes les entreprises qui relèvent du régime général doivent, sous peine de pénalités, notifier de manière dématérialisée le taux des accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP). Pour rappel, cette obligation s’applique depuis le 1er janvier 2020 aux entreprises de 150 salariés et plus, et depuis le 1er janvier 2021 pour les entreprises d’au moins 10 salariés. Le compte AT/MP est accessible gratuitement sur net-entreprises.fr (décret n° 2020-1232 du 8 octobre 2020).
À noter : la démarche de déclaration d’un accident de travail est simplifiée grâce à un service en ligne, accessible via le compte entreprise de l’employeur. Ce service permet d’avoir accès à la feuille de soins à remettre au salarié. Pour ce faire, l'employeur doit être inscrit sur la plateforme net-entreprises et habilité à utiliser le service de déclaration d'un accident de travail ou de trajet.
Pourquoi contester un accident du travail ?
Pour un employeur, un accident du travail entraîne principalement trois types de conséquences : des contraintes juridiques, des risques et coûts judiciaires, des coûts sociaux.
Contraintes juridiques
Les contraintes juridiques en cas d'accident du travail sont les suivantes :
- protection du contrat de travail du salarié et limitation des possibilités de le licencier ou mettre à la retraite ;
- obligation de reclasser le salarié en cas d’inaptitude ;
- obligation de justifier par écrit l’impossibilité de reclasser le salarié ;
- obligation de démontrer que tout a été fait pour prévenir et/ou empêcher la survenue de l’accident du travail.
Risques et coûts judiciaires
Un accident du travail peut entraîner :
- un procès prud'homal pour manquement à la protection du contrat de travail et condamnation à payer au salarié une indemnisation pouvant atteindre 12 mois de salaires bruts ;
- un procès pour faute inexcusable et défaut de prévention et condamnation à réparer financièrement les dommages physiques et/ou mentaux subis par le salarié du fait de l’accident du travail. La Cour de cassation définit la faute inexcusable comme « un manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le salarié, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver » (Cass., 2e civ., 8 octobre 2020, n° 18-26.677).
Bon à savoir : l’employeur est tenu à une obligation de sécurité vis-à-vis des salariés. En cas de manquement à cette obligation, sa responsabilité peut être engagée sur le fondement d'une faute inexcusable. Il n’est pas nécessaire que la faute inexcusable soit la cause déterminante de l'accident pour engager la responsabilité de l'employeur. Il suffit que le manquement de l'employeur ait participé, d'une manière ou d'une autre, à la réalisation du dommage (Cass. 2e civ., 20 juin 2019, n° 18-19.175). Un particulier employeur a les mêmes obligations qu'une entreprise envers ses salariés (Cass. 2e civ., 8 avril 2021, n° 20-11.935).
Des coûts sociaux
Parmi les coûts sociaux engendrés par un accident du travail figurent :
- l'obligation de maintien du salaire en cas d’arrêt maladie résultant de l’accident ;
- la hausse des cotisations AT/MP de l’entreprise ;
- le remboursement à la Sécurité sociale de tout ou partie de certains frais résultant de la prise en charge du salarié du fait de l’accident du travail (majoration de rente, majoration de taux d’incapacité) ;
- l'augmentation du coût de la prévoyance d’entreprise en cas d’invalidité du salarié donnant lieu à versement d’une rente.
Important : l’employeur est responsable sur ses biens personnels des conséquences de sa faute inexcusable.
Contestation accident du travail : que contester ?
L’employeur doit établir que l’événement accidentel n’est pas un véritable accident du travail.
Remettre en cause l’existence d’un accident du travail en tant que tel
L’employeur doit faire valoir que cet événement accidentel ne correspond pas à la définition juridique de l’accident du travail.
Rappelons la définition d'un accident du travail. Il s'agit d'un événement (ou d'une série d’événements) soudain et imprévu :
- concernant un salarié (existence d’un contrat de travail en cours) ;
- impactant la santé de ce salarié (en lui causant une lésion corporelle et/ou psychologique) ;
- survenant du fait ou à l’occasion du travail (pendant le temps et sur le lieu du travail et/ou de la mission en cas déplacement).
Bon à savoir : si un salarié mis à pied se rend dans les locaux de l'entreprise de son propre chef et est victime d'un accident, la qualification d'accident du travail ne pourra pas être retenue (Cass. 2e civ., 21 septembre 2017, n° 16-17.580). En revanche, si la présence du salarié dans les locaux de la société résulte d'une demande de l'employeur, l'accident pourra être qualifié d'accident du travail (cas du salarié qui se rend dans l'entreprise pour un entretien préalable à un licenciement, par exemple).
Exemple : un salarié, souffrant de douleurs en se rendant sur son lieu de travail, est victime d'un infarctus dans la salle de pause de l'entreprise. Selon l’employeur, le salarié ayant ressenti les premiers symptômes de son malaise durant le trajet de son domicile jusqu'à son lieu de travail et n'ayant pas encore pris son poste de travail, l’origine professionnelle de l’accident doit être écartée. Or, pour la Cour de cassation, la présomption d’imputabilité de l’accident au travail s’applique ici. En effet, l'existence de symptômes préalables au malaise, pendant le trajet entre le domicile et le lieu de travail, n'est pas de nature à caractériser un accident de trajet, le malaise ayant eu lieu sur le temps et le lieu de travail sous l'autorité de l'employeur (Cass. 2e civ., 29 mai 2019, n° 18-16.183).
Démontrer que les éléments constitutifs de l’accident du travail ne sont pas réunis
Pour écarter l’existence d’un accident du travail, l’employeur doit démontrer que ses éléments constitutifs ne sont pas réunis.
En l’occurrence, l’employeur soulignera que, séparément ou cumulativement :
- la lésion n’est ni immédiate ni consécutive à l’événement accidentel ;
- la santé du salarié était déjà très dégradée avant l’événement accidentel (de sorte que les conditions de travail ne sont pas à l’origine de la lésion) ;
- l’événement accidentel n’a pas de lien direct avec le travail (l’événement accidentel a une cause totalement étrangère au travail).
Bon à savoir : un accident survenu au cours d'un séminaire d'entreprise est un accident du travail, même s'il s'est produit pendant une journée de détente, et indépendamment de l’encadrement ou du financement de l’activité en cause, dans la mesure où la présence du salarié était rémunérée comme du temps de travail (Cass. 2e civ., 21 juin 2018, n° 17-15.984).
Prouver le contraire
Lorsqu'un salarié fait état de l’existence d’un accident du travail, il bénéficie d’une présomption en sa faveur, autrement dit d’un a priori favorable : l’événement accidentel est qualifié, au départ, d’accident du travail en tant que tel. L’employeur a la possibilité d’écarter cet a priori favorable au salarié, mais il lui appartient alors d’apporter la preuve contraire pour y parvenir.
Exemple 1 : un salarié en mission professionnelle à l'étranger, qui se blesse en dansant en discothèque, est considéré comme victime d'un accident du travail d'un salarié en mission dès lors que l'employeur ne démontre pas que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel. La présence du salarié dans la discothèque ne suffit pas à prouver que cette présence était sans lien avec son activité professionnelle (Cass. 2e civ., 12 octobre 2017, n° 16-22.481).
Exemple 2 : un malaise cardiaque survenu pendant le temps et sur le lieu de travail est présumé être un accident du travail. La présomption d’imputabilité ne peut être renversée qu’en apportant la preuve que la cause de l’accident est totalement étrangère au travail. Le seul fait de démontrer que les conditions de travail étaient saines ne suffit pas à renverser la présomption d’imputabilité inhérente à l’accident du travail (Cass. 2e civ., 11 juillet 2019, n° 18-19.160).
Bon à savoir : pour contester, tous les moyens possibles (témoignages écrits, photos, vidéo, rapport d’expert, constat d’huissier, etc.) peuvent être utilisés par l’employeur afin de démontrer que les éléments constitutifs de l’accident du travail ne sont pas réunis.
Comment contester un accident du travail ?
C’est la Sécurité sociale, plus exactement la Caisse primaire d’assurance maladie ou CPAM, qui prend position quant au signalement initial du salarié, lorsque ce dernier avise son employeur de la survenue d’un événement accidentel. Par ce signalement, le salarié cherche à obtenir et faire reconnaître (officiellement et juridiquement) l’existence d’un accident du travail.
La position de la CPAM (confirmer ou non l’existence d’un accident du travail) présente trois caractéristiques principales :
- En termes de processus : elle fait suite à une instruction de dossier (voire une enquête).
- En termes de formalités : elle se présente sous la forme d’une décision écrite notifiée à l’employeur en recommandé avec AR.
- En termes de délais : elle intervient dans un délai global de 90 jours après la réception de la déclaration d'accident du travail envoyée par l’employeur (avec un formulaire CERFA) : un délai de 30 jours pour, soit statuer sur le caractère professionnel de l’accident, soit engager des investigations, et un délai supplémentaire de 60 jours dans ce dernier cas.
En raison du processus précité, contester un accident du travail revient à faire deux choses :
- En premier lieu, tenter d’influer sur la future position de la CPAM :
- en émettant des réserves motivées (l’article R. 441-6 du Code de la sécurité sociale, modifié par le décret n° 2019-300 du 10 avril 2019, aménage au bénéfice de l’employeur un délai de 10 jours francs à compter de la déclaration au cours duquel ce dernier peut exprimer des réserves motivées sur le caractère professionnel de l’accident, depuis le 1er décembre 2019) ;
Bon à savoir : si, malgré les réserves motivées, la CPAM décide de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle, cette décision est inopposable à l’employeur (Cass. 2e civ., 25 novembre 2020, n° 19-20.058).
-
- en envoyant à la CPAM des informations complémentaires ;
- en remplissant le questionnaire d’enquête ;
- en participant activement à l’enquête ;
- en demandant la communication du dossier présenté par le salarié ;
- en consultant le dossier d’instruction de la CPAM ;
- en notifiant des observations à la CPAM.
- En second lieu, tenter de remettre en cause la position définitive de la CPAM :
- par voie de recours gracieux (saisine de la Commission de recours amiable) d’abord ;
- par voie de recours contentieux (saisine du tribunal de grande instance spécialement désigné pour connaître des affaires sociales de l'article L. 211-16 du Code de l'organisation judiciaire (depuis la disparition des tribunaux des affaires de sécurité sociale le 1er janvier 2019) ensuite.
Contestation accident du travail : à quel moment contester ?
En raison du processus précité, contester un accident du travail revient à adopter le tempo suivant :
- Agir (émettre des réserves) en extrême amont, au moment où l’employeur procède à la déclaration de l'accident du travail : au plus tard dans les 48 heures du signalement de l’événement accidentel par le salarié. Depuis le 1er décembre 2019, les réserves motivées peuvent être faites dans un délai de 10 jours francs à compter de la déclaration.
- Agir (informations complémentaires, questionnaire, enquête et communication du dossier du salarié) pendant l’instruction du dossier par la CPAM : dans les 20 jours suivant la réception par la CPAM de la déclaration accident du travail.
- Agir (consultation du dossier d’instruction et notification d’observations) lors du débat contradictoire intervenant au terme de l’instruction du dossier par la CPAM. En effet, après investigations, la CPAM met le dossier à la disposition de la victime et de l’employeur qui disposent de 10 jours pour le consulter et faire des observations.
- Agir à titre amiable (Commission de recours amiable) ultérieurement à la décision de la CPAM : 2 mois pour saisir la Commission.
- Agir de façon contentieuse (saisine du pôle social du tribunal de grande instance spécialement désigné) ultérieurement à la décision de la Commission de recours amiable : 2 mois pour saisir le tribunal.
Bon à savoir : le décret n° 2019-356 du 23 avril 2019 a modifié la procédure de reconnaissance des accidents du travail le 1er décembre 2019 : il renforce l’information et la consultation des parties lors des différentes étapes de l’instruction diligentée par la CPAM. L’Assurance maladie met à disposition des salariés et de leurs employeurs un télé-service permettant de remplir le questionnaire AT-MP, et de suivre la procédure d’instruction du dossier en ligne (échéances, observations nouvelles, etc.).
Important : dans bien des cas, l’aide et le conseil d’un avocat s’imposent.