
Dans toutes les entreprises, l’employeur a l’obligation de prévenir la pénibilité au travail. Comment se caractérise la pénibilité ? Quelles sont les obligations de l’employeur si le salarié est exposé à des facteurs de pénibilité ? Qu’est-ce que le compte pénibilité ? Voici nos réponses.
Comment se caractérise la pénibilité au travail ?
La pénibilité est caractérisée par une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels. Ces risques professionnels sont susceptibles de pouvoir laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé du travailleur.
Bon à savoir : pour chacun de ces différents facteurs, des seuils déclencheurs sont déterminés.
Depuis le 1er octobre 2017, les facteurs de pénibilité sont les suivants (C. séc. soc. art L. 351-1-4 et C. trav. art. D. 4121-5) :
- le travail de nuit : le seuil déclencheur est fixé à 1 heure de travail entre minuit et 5 heures pendant 120 nuits par an ;
- le travail répétitif : le seuil déclencheur est fixé à 15 actions techniques ou plus pour un temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes ou 30 actions techniques ou plus par minute pour un temps de cycle supérieur à 30 secondes pendant 900 heures annuelles ;
- le travail en équipes successives alternantes (par exemple le travail en 3 × 8) : le seuil déclencheur est fixé à un travail en équipe impliquant au minimum 1 heure de travail entre minuit et 5 heures pendant 50 nuits par an ;
- le travail en milieu hyperbare : le seuil déclencheur est fixé à un travail dans un milieu à 1 200 hectopascals pour 60 interventions ou travaux par an (article R. 4461-1 du Code du travail) ;
- l'exposition aux températures extrêmes (moins de 5 °C ou plus de 30 °C) : le seuil déclencheur est de 900 heures par an ;
- l'exposition au bruit : 600 heures par an d'exposition à 81 db en moyenne, ou 120 expositions à un niveau de pression acoustique de crête supérieur à 135 db (article R. 4431-1 du Code du travail).
Bon à savoir : 4 facteurs de pénibilité sont supprimés depuis le 1er octobre 2017 (ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017) : les manutentions manuelles de charges (lever, porter, pousser, tirer des charges de 10, 15, 250 ou 7500 kg), les postures pénibles (maintien des bras en l'air à une hauteur située au-dessus des épaules ou positions accroupies ou à genoux, ou position du torse en torsion à 30 degrés ou positions du torse fléchi à 45 degrés), les vibrations mécaniques à risque de lombalgie, de traumatisme de la colonne vertébrale, de troubles vasculaires, neurologiques, musculaires (arthrose, arthrite), respiratoires, dermatologiques, et l'exposition à des agents chimiques notamment les pesticides.
Depuis le 1er octobre 2017, 4 facteurs de pénibilité ne sont plus déclarés en DSN. Il s'agit des facteurs relatifs aux contraintes physiques (manutentions manuelles de charges, postures pénibles et vibrations mécaniques) et des agents chimiques dangereux. Jusqu'à cette date, l’employeur devait déclarer les 10 facteurs d’expositions existant au sein de l’entreprise (ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017).
Pénibilité au travail : quelles obligations de l’employeur en cas d’exposition à un ou plusieurs risques ?
Depuis août 2015, l'employeur n'a plus l’obligation de rédiger une fiche pénibilité pour chaque salarié exposé aux facteurs de pénibilité au-delà des seuils. Désormais, l’employeur doit effectuer une déclaration annuelle aux Caisses de retraite de manière dématérialisée par la DSN (déclaration sociale nominative).
Bon à savoir : afin de recenser les postes, les métiers et les situations de travail exposés aux facteurs de pénibilité, les employeurs peuvent se référer, depuis la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, à des accords de branche ou à des référentiels professionnels élaborés par les organisations professionnelles. 16 référentiels de branche (dont la liste est disponible sur le site du ministère du Travail) ont ainsi été homologués, parmi lesquels 3 référentiels qui l'ont été en 2018 : secteur sanitaire, social et médico-social (arrêté du 12 avril 2018), cabinets et prothésistes dentaires, et charcutiers-traiteurs (arrêté du 18 juillet 2018).
Le décret n° 2018-437 du 4 juin 2018 renforce les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs dus aux rayonnements ionisants d'origine naturelle ou artificielle, notamment en ce qui concerne l'organisation de la radioprotection et les modalités de réalisation des vérifications à caractère technique des lieux et équipements de travail.
Qu’est-ce que le compte pénibilité au travail ?
Le salarié sous contrat de travail d’un durée d’au moins un mois (CDI, CDD, contrat d’intérim, contrat d’apprentissage, etc.), et qui est exposé aux facteurs de pénibilité au-delà des seuils déclencheurs, bénéficie d'un compte professionnel de prévention – C2P (C. trav. article L. 4162-1).
Bon à savoir : le C2P remplace le compte personnel de prévention de pénibilité (C3P) depuis le 1er octobre 2017.
La création du compte professionnel de prévention
Aucune démarche particulière ne doit être effectuée. En effet, le compte professionnel de prévention est automatiquement créé par la Caisse de retraite suite à la déclaration de l’employeur lorsque l’exposition aux facteurs de risques dépasse les seuils déclencheurs.
Bon à savoir : en pratique, un courrier doit être transmis au salarié pour la première fois le 30 juin 2016 pour l’informer de la possibilité de consulter son nombre de points sur un site internet.
Le calcul du nombre de points
Tous les ans, le salarié sous contrat de travail d’une durée supérieure ou égale à l’année civile peut obtenir (C. trav. art. R. 4162-2) :
- 4 points s’il est exposé au-delà des seuils à un seul facteur de risque professionnel de pénibilité ;
- 8 points s’il est exposé au-delà des seuils à plusieurs facteurs de risques professionnels.
Les points acquis par un salarié avant le 1er octobre 2017 sur le compte personnel de prévention de pénibilité sont transférés sur le nouveau compte professionnel de prévention.
Bon à savoir : le nombre de points est doublé pour les salariés nés avant juillet 1956.
Important : un salarié ne peut pas accumuler plus de 100 points sur son compte pénibilité. Les points restent sur le compte tant qu’ils ne sont pas utilisés.
L’utilisation des points inscrits sur le compte professionnel de prévention
Les points inscrits sur le compte peuvent être utilisés pour :
- partir en formation afin d’accéder à des postes moins ou pas exposés à la pénibilité ;
- bénéficier d'un temps partiel sans perte de rémunération ;
- partir à la retraite plus tôt en validant des trimestres de majoration de durée d'assurance vieillesse ;
- depuis le 16 avril 2023 : financer, dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle, les frais relatifs à une action de formation, un bilan de compétences ou une action de VAE permettant d’accéder à un emploi non exposé aux facteurs de risques professionnels. Les points du compte sont convertis en euros pour abonder le compte personnel de formation de son titulaire dans le but de financer les coûts engendrés par ce projet (article L. 4163-8-1 du Code du travail nouveau).
Un point permet de financer jusqu'à 375 € de formation professionnelle (décret n° 2018-1256 du 27 décembre 2018). 10 points ouvrent droit à un complément de rémunération pendant 3 mois pour une réduction du temps de travail équivalente à un mi-temps.
L'utilisation des points pour une retraite anticipée
Les points acquis sur le compte permettent de valider des trimestres supplémentaires pour partir à la retraite plus tôt que l'âge légal. Tous les 10 points inscrits sur le compte de pénibilité donnent droit à l'abaissement d'un trimestre de l'âge minimal légal (fixé à 62 ans).
Néanmoins, l'utilisation des points est limitée. Seulement 80 points au maximum peuvent être utilisés pour un départ anticipé à la retraite, soient 8 trimestres, donc 2 ans. Le salarié exposé à des facteurs de pénibilité peut donc partir en retraite au plus tôt à 60 ans.
Incapacité permanente, retraite anticipée et compte pénibilité
Certains salariés ont la possibilité de bénéficier d'une retraite anticipée, sous conditions, dès lors qu'ils justifient d'un certain taux d'incapacité permanente partielle (IPP).
Depuis le 1er juillet 2011, le Code de la sécurité sociale (articles L. 351-1-4, D. 351-1-9 et D. 351-1-10) offre la possibilité de partir à la retraite à 60 ans, pour les salariés qui auraient été exposés à des facteurs de pénibilité et justifiant :
- d’une IPP d’au moins 20 % reconnue au titre d’une maladie professionnelle (MP), ou d’un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une MP ;
- d’une IPP inférieure à 20 %, mais au moins égale à 10 % reconnue au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident professionnel (sous réserve que l’assuré ait été exposé pendant 17 ans à un ou plusieurs facteurs de pénibilité et qu’il puisse être établi que cette IPP est directement liée à cette exposition).
Depuis le 1er octobre 2017, ce dispositif est aménagé pour les 4 facteurs de pénibilité désormais exclus du C2P. Désormais, lorsque l'incapacité permanente a pour origine une maladie professionnelle liée à un facteur de pénibilité exclus du C2P, les conditions d'exposition pendant 17 ans à un ou plusieurs facteurs de pénibilité et le lien direct entre l'incapacité permanente et l'exposition au risque ne sont pas applicables.
Bon à savoir : un arrêté fixe la liste des maladies professionnelles concernées (article L. 351-1-4 du Code de la Sécurité sociale).